Amélie Viaene

Amélie Viaene

Qu’est-ce qu’un univers sinon l’environnement dans lequel se déploie la sensibilité créative d’une personne. Les lieux – avec l’ensemble des âmes et des objets qui les occupent – laissent passer des émotions. Assise face à la joaillière Amélie Viaene, je débute l’interview avec déjà la sensation que cette boutique-atelier – au design très étudié – concrétise la vision d’un projet mûri de longue date. Rencontre.

La création comme leitmotiv

Très jeune, animée par tout ce qui a trait à l’art, Amélie Viaene nourri l’idée d’un futur où la création occuperait une part essentielle de son existence. À ce propos, elle raconte :

"Dès la seconde j’ai étudié dans un lycée avec une option en arts appliqués. J’aimais beaucoup le stylisme, surtout l’accessoire. J’avais toujours le bijou en tête mais sans que cela soit tout à fait concret. J’allais débuter en BTS Stylisme et puis malheureusement j’ai dû arrêter mes études."

Lorsqu’un événement survient, la trajectoire que vous pensiez emprunter s’en trouve – au moins pour un temps – totalement modifiée. Contrainte d’abandonner son projet d’étude, Amélie Viaene quitte alors Troyes, sa ville natale, pour rejoindre la capitale. « Je suis montée à Paris, comme on dit, pour travailler». Les différents emplois qu’elle exerce – mannequin puis commerciale pour différentes enseignes de luxe – lui permettent d’acquérir son indépendance autant qu’ils forgent son tempérament. Seulement, quelque chose lui manque. Quelque chose d’essentiel.

"(…) j’avais toute ma créativité en moi qui bouillonnait et je n’avais pas les moyens de l’exprimer donc ça devenait de plus en plus dur."

J’écoute Amélie Viaene me retracer son parcours et j’ai l’impression d’entrevoir le mouvement qui l’anime. Tout en occupant son emploi, elle s’inscrit à des cours du soir où elle se forme aux techniques de bases de la bijouterie-joaillerie ainsi qu’à la gemmologie.

"Pendant deux ans j’ai suivi ces cours qui m’ont permis de me rendre compte que : oui c’était fait pour moi !"

Certaine de la voie qu’elle emprunte, plus rien ne semble pouvoir l’arrêter. Elle passe une année à l’École de la rue du Louvre puis travaille comme dessinatrice pour le compte de Maisons de haute-joaillerie. Bien qu’enrichissante, cette dernière expérience ne la comble pas totalement. Ce dont elle rêve : concevoir des bijoux qui lui ressemble.

Une vision singulière du bijou

"Mon travail s’inspire d’une recherche constante d’harmonie. Chacun de mes bijoux est conçu comme un projet créatif dont l’unité organique doit être totale."

Poser un regard sur son travail n’est pas chose aisé. Ces mots sont ceux d’une joaillière qui possède le recul nécessaire pour comprendre les différentes étapes qu’elle traverse durant tout processus créatif qu’elle engage. Quelles sont ces étapes ? Avant toute chose, il y a la matière.

"Chaque pièce est faite à la main, sculptée dans de la cire. C’est ce qu’on appelle la méthode de la fonte à cire perdue. C’est comme un sculpteur, c’est le même travail (…) dans des dimensions beaucoup plus petites. La cire me permet de travailler le volume en une seule pièce, de construire des choses douces et fortes à la fois, de proposer un confort absolu du modèle. Avec cette matière, je peux vraiment transmettre tout ce que j’ai envie de dire."

Chaque bijou est sculpté dans de la cire. Ici, le modèle Nikola, une bague au design mixte.

Des lignes fortes associées à une parfaite maîtrise des pleins et des vides. Bague Nikola, réalisée sur demande en or jaune, or rose et or blanc (modèle femme) et en argent (modèle homme).

Comprendre et saisir toutes les possibilités qu’offre la cire en matière de design n’est pas le seul talent d’Amélie Viaene. La recherche de la forme ainsi que la disposition des pierres n’est jamais gratuite.

"Dans mon travail, rien n’est dû au hasard, tout est justifié. Il est important d’apporter du sens à ce que l’on fait."

Avant que la pointe du compas se confronte à la cire, une autre étape précède celle de la fabrication : le dessin. Comment matérialise-t-on une idée sur papier ?

"Je m’inspire de tout. Ça peut être une forme, une personne, une émotion."

Le temps passe vite en compagnie d’Amélie Viaene. Avant que l’on se quitte, elle me propose de regarder les gouachés – des dessins en joaillerie – qu’elle a réalisé pour ses client(e)s ; d’essayer quelques-uns des bijoux présents dans la vitrine.

À chaque projet, le dessin initie et accompagne la relation qui s’opère entre Amélie Viaene et le commanditaire du bijou.

"Je fais plusieurs propositions de dessins à ma cliente. Une fois le dessin choisi, elle participe ensuite [à sa façon] à toutes les étapes de fabrication. Lorsque l’on vient me voir, on sait. On sait que cela va prendre du temps."

Je passe une des bagues de la collection Essentiel – la bague Hélice – et je découvre qu’au design minimaliste des bijoux qu’elle conçoit s’ajoute une autre dimension : un rapport intime et sensuel s’installe entre l’objet et ma peau.

"Hélice est un bijou en mouvement. Il se prête au jeu de l’apparition et de la disparition au gré de la position de ses ailes : placées sur le dessus de la main ou repliées en son creux"

Une parfaite illustration d’unité tant formelle que spirituelle. Concilier le visible et l’invisible, l’esthétique et la fonctionnalité, l’art et l’artisanat. Au cœur de son atelier-boutique, Amélie Viaene poursuit un idéal. Je clos cet article avec une pensée en tête : juste quelque chose de beau. Ces mots d’Amélie Viaene sont l’exact résumé du prisme par lequel la joaillière tente de pérenniser des histoires – les siennes et celles qu’on lui raconte – en un objet précieux et intime : un bijou.

Une inspiration libre du mouvement. Bague Hélice, collection Essentiel.

Pour découvrir les bijoux d’Amélie Viaene :

Atelier-Boutique – 62, rue Vaneau 75007 Paris. Du mardi au vendredi sur rendez-vous et ouverture le samedi de 11hOO à 19hOO.

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Crédits photos : Christopher Jeney / Apolline Besnard (dernière illustration).