L’écriture est affaire de rencontres. Ces rencontres m’accompagnent, me guident parfois et celle avec Nathalie Lanier, réalisatrice et productrice, ne fait pas exception. Lauréate du prix Trophée de Bronze de la première édition du Video Share Festival pour son court-métrage My Way from Paris, Nathalie Lanier contribue, par son travail, à la mise en lumière du monde de la joaillerie. Décryptage.
Depuis longtemps, l’univers de la joaillerie se raconte. Comment faire vivre un bijou autrement que par sa matérialité même ? Comment lui donner corps lorsque l’on ne le porte pas – ou pas encore ? En d’autres termes, comment lui conférer d’avantage d’intérêt qu’il n’en suscite déjà ?
La vidéo, un nouvel enjeu pour la visibilité des arts joailliers
Créateurs maîtres artisans joailliers sont au cœur du processus créatif d’un bijou. Sans eux, rien ne serait possible. A leur côté, une multitude d’autres acteurs font vivre l’univers de la joaillerie et par là même, veillent à son rayonnement et à la préservation des métiers d’art et du design qui y sont liés.
Aujourd’hui, plus aucun secteur n’échappe à la nécessité de communiquer sur son activité. La prise en compte de cette réalité, Nathalie Lanier en a fait l’une des spécificités de sa société de production Les Films de la Robe Rouge, à savoir : la réalisation de films de brand content pour le compte de particuliers, d’entreprises ou d’institutions.
Le brand content signifie littéralement « contenu de marque ». Ce contenu, s’il peut prendre plusieurs formes (écrits, photographies, films etc.), poursuit toujours le même dessein : proposer une histoire à laquelle le public – ciblé ou non – sera réceptif ; participer à la création et/ou à l’enrichissement d’un patrimoine.
Aujourd’hui, la vidéo est un média qui est de plus en plus accessible, tant au niveau des moyens techniques qu’elle engage, que de sa visibilité auprès du public. La vidéo fait partie de notre quotidien. Comment met-on en place un film – qui plus généralement prend la forme d’un court-métrage – de brand content ?
Christine Escher joaillerie et My Way from Paris : récits de tournages au cœur d’un univers d’exception
En 2016, Nathalie Lanier réalise une vidéo de présentation de la marque de joaillerie Christine Escher. Le choix de l’interview croisée – Christine Escher et sa fille Claire – face caméra permet une compréhension immédiate de l’identité de la marque et de son histoire.
Christine Escher et sa fille présentent leurs collections de bijoux.
La caméra oscille entre des plans entièrement cadrés sur les bijoux et d’autres plans, sur les deux femmes. A l’écran, chaque plan participe à la construction d’une histoire à laquelle le spectateur est invité à prendre part.
La vision de Christine Escher et de sa fille dialoguant face à un miroir illustre parfaitement cette idée. Leur reflet constitue un autoportrait – tout au long de la vidéo ce sont elles qui racontent et présentent leurs collections – autant qu’un portait, en d’autres termes : la restitution du regard que Nathalie Lanier a porté sur ces deux femmes et leurs créations. Une mise en abîme subtile qui sert le récit de la marque de joaillerie Christine Escher.
Christine Escher Joaillerie : histoire d’un dialogue autour d’une passion commune pour le bijou.
Les rencontres rythment le quotidien de la réalisatrice. Chaque projet est l’occasion d’en susciter de nouveaux. A la suite de ce premier contact établi avec l’univers de la joaillerie, Nathalie Lanier souhaite renouveler l’expérience. Commence alors l’aventure du court-métrage My Way from Paris. Le brand content permet de mettre en lumière un objet sans que celui-ci soit le sujet exclusif du propos délivré par le film. Là encore c’est autour du bijou que s’articule la construction du court-métrage My Way from Paris. Néanmoins, les intentions de départ y sont sensiblement différentes. Quelles sont-elles ? "Le commanditaire du court-métrage souhaitait un film romanesque qui renvoie à l’imaginaire collectif de l’univers de la haute-joaillerie." Dès les premières secondes du court-métrage, tous les plans concourent à faire entrer pleinement le spectateur dans l’intrigue. D’une part, un bateau vogue sur la Seine avec une jeune femme à son bord. D’autre part, un dialogue s’instaure entre le commanditaire et le joaillier autour d’un projet de bague. Rapidement les deux scènes se juxtaposent pour finalement ne former qu’une seule et même histoire. Au grès de la navigation, on peut observer la ville et se laisser porter par le récit. Détentrice et messagère – auprès du joaillier – de la pierre centrale qui servira à la réalisation de la bague, la jeune femme est aussi celle à qui est destinée la pièce de haute-joaillerie. Le commanditaire n’était autre que son père. Autour de cette successions de plans participant à la résolution de l’intrigue, un autre récit voit le jour : celui des gestes des maîtres artisans en charge de réaliser la bague. Le joaillier sculpte la cire afin de créer un premier modèle de bague qui pourra ensuite être réalisé en métal. "Ce monde ressemble à la réalité, mais il n’est pas la réalité et le spectateur ressent ce décalage. C’est ce que j’aime." Les mots de Nathalie Lanier résume parfaitement l’intention de départ du court-métrage ainsi que la façon dont elle conçoit son métier de réalisatrice. My Way from Paris illustre subtilement le parallèle entre le caractère intime de la commande et les secrets d’ateliers ; l’imaginaire collectif qui se déploie autour de l’univers de la haute-joaillerie en même temps que l’expression de sa réalité. Considéré comme un invité de marque, le spectateur n’a plus qu’à se laisser guider. Joaillerie et cinéma ont en commun d’être deux arts relevant de l’artisanat. Dans l’un ou l’autre domaine, les gestes occupent une place essentielle. Par quels procédés, Nathalie Lanier et son équipe parviennent-ils à rendre la qualité plastique du bijou ? En dehors des possibilités narratives qu’elle offre, la vidéo est le seul médium qui permet de rendre au bijou la totalité de son volume, en une seule prise de vue. Quelle que soit la technique cinématographique utilisée, la caméra et celui qui la dirige se déplacent autour du bijou. Ils sont en perpétuels mouvement. A ce propos, la réalisatrice revient sur un des paramètres les plus importants à prendre en compte lorsque l’on filme – et cela est encore plus juste en matière de bijou – le traitement de la lumière : "Pour le court-métrage Christine Escher Joaillerie, nous avons installé des systèmes qui absorbent les reflets et utilisé des optiques spécifiques. Pour My Way From Paris, nous avons donné du relief à l’image en créant, au contraire, des reflets. Le but était de créer de la profondeur derrière le premier plan." Cette maîtrise technique apporte son lot de belle surprise quant à la réception des courts-métrages par leurs commanditaires. "Christine Escher était émue de redécouvrir ses propres pièces de joaillerie à travers le film que nous avons produit. C’est en effet une redécouverte car l’œil humain ne permet pas de voir des objets aussi petits et avec autant de détails. La qualité des optiques permet, en quelque sorte, d’aller plus loin que la vision humaine."Des bijoux observés sous toutes leurs coutures
Crédits photos : Les Films de la Robe Rouge.