En mai dernier a eu lieu la dernière édition du Salon Révélations. Sous la verrière du Grand Palais, l’évènement rassemblait plusieurs métiers d’art qui présentaient tous leurs dernières créations. Celles du créateur joaillier Karl Mazlo vont d’emblée retenir mon attention. Quelques semaines plus tard, au cœur de son atelier parisien, nous avons poursuivi le dialogue précédemment engagé autour de ses créations. Rencontre.
La rencontre avec la matière
Loin de l’agitation de l’événement auquel je me suis rendue quelques jours plus tôt, il règne au sein du lieu où travaille Karl Mazlo une toute autre effervescence. Lieu de fabrication, l’atelier semble aussi contenir les indices d’un processus créatif toujours en mouvement. Outils dispersés ici ou là, croquis accrochés au-dessus de l’établi, des étagères remplies de livres. Silencieux, les objets n’en sont pas moins porteurs d’histoires. Quelles sont-elles ? De quels récits vos créations sont-elles le fruit Karl Mazlo ?
Des « Sommets bleus » aux « Paysages d’aciers » – deux collections présentées lors du Salon Révélation – chaque pièce traduit une volonté de la part du joaillier, de mettre la matière à l’honneur. L’or enchâsse les fragments de lapis-lazuli et d’aciers damassés d’une telle façon que l’intervention de ce dernier passe – pour ainsi dire – presque inaperçue. Karl Mazlo réalise ainsi des bijoux dont la composition semble avoir été guidée par la matière même.
Bague issue de la collection Les Sommets Bleus, or 18 carats et lapis-lazuli.
Être à l’écoute de son médium – tel qu’il soit – implique une pleine maîtrise de son savoir-faire. Dès le commencement de son apprentissage, Karl Mazlo désire maîtriser toutes les étapes de fabrication d’un bijou. A ce propos, il me confie :
"Le bijou passe de main en main et finalement il s’avère compliqué de suivre une création. Ce dont j’avais vraiment envie c’était d’avoir une idée, de la dessiner et de la fabriquer."
Comment ne pas interrompre ce mouvement personnel qui va de l’intention à la réalisation concrète de l’objet ? Au lycée Nicolas Flamel (aujourd’hui École Boulle) puis aux côtés de maîtres joailliers reconnus – Jean Christophe Fouchier et auprès de son père Robert Mazlo – , Karl découvre et expérimente les techniques qu’on lui enseigne. A mesure qu’il capte et reproduit les gestes de ses maîtres , il imprime dans sa mémoire plus qu’un savoir-faire : un langage à part entière. Lui reste à se forger le sien.
Un artiste en résidence
En 2013, Karl Mazlo part découvrir le Japon. Les raisons qui le poussent à choisir cette destination sont guidées par des passions qu’il cultive de longue date – la moto, la photographie, les haikus – ainsi que par une nécessité, plus personnelle, de prendre le large. Là-bas, il enregistre des images, s’imprègne d’une atmosphère. En un mot, il se laisse guider.
De retour en France, le joaillier ne peut se résoudre à laisser dormir dans les tiroirs – ne serait-ce que de sa mémoire – les photographies prises lors de son voyage. Il lui faut les mettre en scène, les retranscrire dans la matière.
Plus tôt dans son parcours, avant même son départ pour le Japon, Karl puise déjà son inspiration dans la culture de ce pays. La série « Haïkus » vise à réinterpréter le court poème japonais. Selon le joaillier, le bijou Haïku doit pousser à l’imaginaire, être ré-activateur de souvenirs, comme s’il avait été marqué par le temps.
Création issue de la série « Haïkus », or 18 carats et argent 925.
Cette collection marque le début d’un dialogue avec l’archipel nippon qui le nourrit et lui inspire, progressivement, la construction de son propre langage artistique.
Imaginée à son retour du Japon, la série Memories est, elle aussi, liée aux souvenirs. S’inspirant de l’alphabet japonais Katakana, le joaillier élabore des bijoux dont l’esthétique tente de restituer une impression d’instantanéité. Celle-là même qu’il a voulu saisir dans les clichés qu’il a pris du pays qu’il a visité.
Bague issue de la collection « Memories », or 18carats, argent 925 et diamants de couleurs.
Autrement qu’une source d’inspiration, que représente pour vous le Japon ?
"Pour moi, le Japon c’est un moment de vie qui a provoqué un déclic dans ma démarche. C’est surtout ce qui m’a permis de me libérer de certaine choses, notamment en ce qui concerne la technique."
Au contact d’une autre culture que la sienne, la mise en perspective du chemin parcouru se fait plus évidente. En 2016, alors artiste en résidence à la Villa Kujoyama – Institut franco-japonais – Karl Mazlo collabore avec la Maison Seikadô, aujourd’hui le seul atelier nippon spécialisé dans l’artisanat en étain.
Aux côtés des maîtres japonais, Karl Mazlo acquiert une plus grande liberté dans son travail.
"Cette expérience m’a notamment permise d’aller davantage vers les objets ; d’aborder le bijou autrement, non plus seulement comme un bijou mais comme une petite scène de vie.
Le travail de l’étain requiert l’apprentissage d’autres techniques. J’ai mis du temps avant d’obtenir les résultats que je désirais."
De cette collaboration, naît un service de saké sobrement intitulé « Objets de Rencontres ». Sans dénaturer la nature initiale de ces objets du quotidien, Karl Mazlo en propose une lecture nouvelle, plus singulière.
"Substituant aux images érotiques habituellement visibles au fond des verres, [j’ai] préféré retranscrire la poésie d’une rencontre de personne autour d’une culture et de matière."
Une vision qui résume parfaitement la façon dont le joaillier se saisit de chaque nouveau projet : par l’utilisation d’outils, l’exécution de gestes, […] par la compréhension d’une mémoire collective en perpétuelle mouvement. Nous avons hâte de découvrir quel sera le prochain voyage de Karl Mazlo.
Présentation de la série « Objets de Rencontres » en étain martelé, argent et feuille d’or.
Timbale en étain issue de la série « Objets de Rencontres » : quand tradition rime avec poésie.
Pour découvrir les créations de Karl Mazlo :
Atelier situé à la cité artisanale de la Villa du Lavoir - 70, rue René Boulanger 75010 Paris.
Vous pouvez également suivre l'actualité de Karl Mazlo via son site web ainsi que ses comptes Instagram et Facebook.
Les créations de Karl Mazlo sont aussi à retrouver au bord de la compagnie de train Eastern & Oriental Express, pour qui il a récemment était invité à créer une série de bijoux exclusive.
Crédits photos : Apolline Besnard / Art Design Craft.